Sur le réseau social, des comptes de faussaires offrent de fournir des arrêts de travail, pour 15 à 30 euros, en usurpant l’identité de vrais médecins.
En octobre 2022, un jeune homme de 22 ans avait été condamné pour « altération frauduleuse de la vérité dans un écrit et usage de faux en écriture », relatait à l’époque La Gazette du Val-d’Oise. Ce dernier vendait de faux arrêts maladie sur le réseau social Snapchat.
Les enquêteurs, qui avaient perquisitionné le domicile de ce jeune escroc, avaient retrouvé sur place la somme de 2 395 euros en liquide. De nombreux documents, normalement émis par le Centre d’enregistrement et de révision des formulaires administratifs (Cerfa), ainsi qu’un tampon encreur au nom d’un médecin d’Argenteuil (Val-d’Oise), avaient aussi été découverts.
Visiblement, ce n’était pas un cas isolé. Le phénomène n’est pas (du tout) marginal.
Des médecins victimes d’usurpation d’identité
Les enquêteurs avaient à l’époque établi un listing de personnes ayant acheté ces faux arrêts médicaux. Des bénéficiaires, issus de l’ensemble de la région parisienne, qui avaient reconnu les faits sans toutefois être (pour le moment) poursuivis par la justice.
Sur le réseau social Snapchat, des faux arrêts maladie sont toujours vendus pour moins de 30 euros. Et derrière ces offres complètement illégales, des médecins subissent toujours l’usurpation d’identité nécessaire aux arnaqueurs pour délivrer de vrais papiers.
Sur le réseau social, les offres sont nombreuses
En effet, il suffit d’aller dans la barre de recherche en haut à gauche, de taper « arrêt maladie » pour tomber sur des comptes qui proposent leurs offres en « stories » allant de 15 à 30 euros. Le papier envoyé par mail « sous 15 minutes » ou à retirer en main propre est « signé et tamponné par un vrai médecin », pouvons-nous lire sur le réseau social, comme le montre la capture d’écran ci-dessous.

L’enjeu : sécuriser les prescriptions
Un médecin généraliste a expliqué il y a quelques jours sur franceinfo être tombé des nues, après avoir découvert le pot aux roses, estimant que « c’est quelque chose de très violent ».
Car en septembre 2022, il aurait reçu plusieurs appels de caisses d’assurance maladie, de mutuelles et même d’employeurs lui demandant de confirmer la véracité d’arrêts de travail à son nom qui leur avait été transmis.
Le médecin avait alors découvert que son identité avait été usurpée et utilisée « dans toute la France » : des certificats à son nom auraient été fournis à Lille, à Lyon ou encore à Marseille.
Contacté par actu.fr, le docteur Marc Rozenblat, secrétaire général adjoint du SML, le Syndicat des médecins libéraux, met en garde les praticiens, de son côté, en cas de perte de leur carte professionnelle, notamment. « C’est comme une carte bancaire, il faut faire opposition », insiste-t-il, appelant les médecins à contacter les organismes de tutelle, en cas de doute.
Il espère aussi des avancées dans la sécurisation avec notamment le déploiement de QR code sur les prescriptions qui évitera les fausses ordonnances. Un dispositif d’ordonnance numérique appelé à être généralisé au plus tard le 31 décembre 2024.
La CPAM peut procéder à des contrôles chez vous
En cas d’usurpation d’identité, rappelle la Sécurité sociale sur son site, le médecin doit à la fois faire une démarche auprès de la police ou la gendarmerie, mais aussi en informer la CPAM, la Caisse primaire d’assurance maladie, qui pourra enquêter. Et l’employeur lui aussi peut demander un contrôle en cas de doute.
Un contrôle qui ne donne pas lieu à une information préalable. Il est réalisé par un médecin de la CPAM (ou un médecin au choix de l’employeur) qui diagnostique votre état de santé et doit déterminer si l’arrêt est justifié ou non, détaille le site officiel de l’administration française, citant le Code de la sécurité sociale.
Il s’agit en résumé de vérifier que vous êtes à votre domicile pendant les heures d’interdiction de sortie (contrôle administratif) et que votre état de santé justifie l’arrêt de travail prescrit (contrôle médical).
Si le contrôle administratif ne peut pas avoir lieu parce que vous êtes absent de votre domicile, l’organisme de sécurité sociale peut suspendre le versement des indemnités journalières. Et des pénalités financières peuvent être prononcées dans les cas de fausses déclarations ou de fraudes, insiste l’administration.
Jusqu’au licenciement pour faute grave
Si vous avez perçu des indemnités auxquelles vous n’aviez pas ou plus droit, ces organismes peuvent vous demander le remboursement des sommes perçues à tort. Et une copie de ce courrier sera adressée à votre employeur…
Un employeur qui peut, lui, prévoir une sanction disciplinaire allant jusqu’au licenciement pour faute grave. Et une action pénale peut aussi être engagée à l’initiative de l’entreprise ou de la CPAM sur le fondement soit de faux en écritures privées, soit de l’escroquerie aux prestations sociales. La condamnation du tribunal correctionnel peut alors être une amende voire une peine d’emprisonnement.